Les lunettes de soleil dépassent largement leur rôle de barrière contre les ultraviolets pour devenir un élément clé de la communication non verbale et un indicateur de statut social : à la fois gilet pare-balles émotionnel, objet de désir sur les tapis rouges et étendard d’indépendance dans les quartiers urbains, elles structurent le regard porté et façonnent l’aura de celui qui les arbore. Véritables talismans modernes, ces montures oscillent entre charme mystérieux et armure symbolique, défendent un territoire intime tout en projetant une image redoutable, et invitent chacun à réinventer sa propre légende visuelle. Voici tout ce qui se cache derrière nos lunettes de soleil.
Sommaire :
Barrière protectrice, cri de révolte
Les premières traces d’usage de filtres visuels remontent à l’antiquité, lorsque l’empereur romain Néron utilisait des émeraudes pour atténuer l’éblouissement lors des spectacles de gladiateurs, offrant déjà une forme de protection oculaire contre la luminosité excessive : achetez vos lunettes de soleil pour Femme chez Krys et perpétuez cette tradition.
Ce n’est toutefois qu’au XXᵉ siècle que les verres fumés ont délaissé leur vocation utilitaire pour devenir l’étendard des esprits insurgés. Dans les années 1960, la jeunesse afro-américaine adopte ces lunettes comme manifeste silencieux d’imperturbabilité face aux contrôles policiers et à la ségrégation.
Par la suite, la culture white-bread va récupérer ce symbole : Steve McQueen et James Dean en font l’accessoire archétypal du « cool », posant les jalons de l’imagerie contemporaine liée au laissez-regarder impassible.
Regarder à couvert
Le voile opaque que constitue une paire de solaires introduit une dynamique de dissimulation émotionnelle : le porteur peut observer librement tout en préservant le secret de son regard.
Anna Wintour, directrice artistique de vogue américain, ne se départit presque jamais de ses verres foncés, préférant cette barrière à toute transparence sur ses réactions lors des défilés.
Le psychanalyste Jean-Pierre Winter souligne que l’absence de signal visuel dans l’interaction génère une forme de malaise, utilisée à dessein jadis par des régimes autoritaires (Hitler, Kadhafi, Pinochet) pour imposer une aura d’intimidation.
Par ailleurs, le chercheur Nicolas Guéguen, de l’université de Bretagne-Sud, a démontré expérimentalement qu’un individu portant des lunettes noires recueille moins spontanément de l’aide de son entourage, la crainte inhibant l’empathie.
Au-delà de l’image de mystère, la monture sombre exerce un véritable magnétisme social : elle peut suggérer autorité, prestige ou même distance hiérarchique.
Dans son essai Lunettes noires, Michel Dalloni indique qu’à chaque seconde, trente paires sont vendues dans le monde, un chiffre révélateur de l’attrait continu de cet accessoire.
Les dictateurs d’hier ont compris l’intérêt de dissimuler leur regard pour mieux asseoir une domination symbolique, tandis que les célébrités contemporaines (Isabelle Adjani, JR) font du port de solaires un signe de reconnaissance immédiate, destinataire d’une mythologie propre construite autour de leur personne.
Mise en scène de son identité
La diversité esthétique des montures permet une narration visuelle sur mesure. Les créateurs de maisons de luxe exploitent cet univers pour générer près de vingt milliards de dollars par an.
On ne s’arrête plus à une seule paire : chaque modèle devient un chapitre du récit identitaire.
Les tendances mode qui transcendent les générations se lisent dans ces modèles qui reviennent inlassablement dans les collections
- Montures aviator ou clubmaster, inspirées de l’aviation et de la tradition optique des années 1950
- Formes oversize façon star hollywoodienne
- Détails bijoutiers et métallisations serties de pierres synthétiques
- Verres miroirs réfléchissants ou polarisants pour des reflets saisissants
- Montures en acétate coloré ou en titane minimaliste pour varier les contrastes
- Editions capsule signées d’artistes ou de designers influents
Ce jeu de variantes transforme les solaires en accessoire polymorphe, à la fois reflet des tendances, vecteur d’attitude et manifeste personnel.

